Du traitement psychanalytique de la psychose maniaco-dépressive

Issu du mémoire de Master, ce livre est paru aux Éditions L’Harmattan le 4 septembre 2025.

Les troubles bipolaires représentent une part importante des consultations de psychiatrie ; ils sont à la mode. Le passage par la cure analytique n’est plus vraiment, pour cette affection, d’actualité. Pourtant la psychanalyse contemporaine pousse à questionner sa pertinence, son bienfait et son efficacité quant à la prise en charge de cette affection par la cure.
À travers les enseignements de Freud et Abraham, de Lacan et de quelques post-lacaniens, puis en les dépassant avec la notion de psychose ordinaire chère à Miller, cet ouvrage cherchera, notamment à travers les modalités de la cure, à savoir si la psychose maniaco-dépressive est aujourd’hui encore à considérer comme une psychose ; et comment la prise en charge contemporaine de la suppléance peut avoir sa place dans le traitement des malades.

PRÉFACE

Par le biais d’Aristote qui, dans le problème XXX, rapprochait sa position de celle de l’homme de génie, la mélancolie peut apparaître comme la plus ancienne des entités psychiatriques. Depuis, les descriptions en ayant été faites ont connu des présentations variées, spécifiant en particulier son lien avec l’accès maniaque. Si la théorie des troubles de l’humeur sert d’appui à sa lecture dans la plupart des manuels de psychiatrie, Jules Cotard en proposera un tableau faisant abstraction de toute notion d’affect ou de tristesse. Sigmund Freud, quant à lui, privilégiera l’opposition au deuil pour en renouveler l’abord clinique. Les travaux de Jacques Lacan et de ses successeurs — en particulier, Marcel Czermak et Jorge Cacho au sein de l’École psychanalytique de Sainte-Anne — permettent d’ordonner sa description autour de la survenue de la mort du sujet et des manifestations, à ciel ouvert, de la fonction de l’objet petit a, lui offrant une place centrale au sein d’une conception psychanalytique des psychoses.
Trente ans après cet apport considérable, Rodolphe Viémont reprend l’histoire et les invariants des conceptions de la psychose maniaco-dépressive pour exposer les interrogations les plus actuelles qui la traversent dans le champ psychanalytique. Il tend ainsi vers un certain nombre de propositions audacieuses, offrant à la psychanalyse la possibilité de « faire passer la jouissance de souffrance à invention ». Amené à parcourir le vaste champ des avancées de Sigmund Freud, de Jacques Lacan et de leurs élèves sur le sujet, il convoque également des conceptions plus générales touchant, par exemple, à la théorie des discours. La lecture innovante proposée par Rodolphe Viémont d’un rapprochement entre psychose maniaco-dépressive et discours capitaliste permet d’appréhender les enjeux actuels d’un discours illibéral et de son singulier traitement de la vérité. Il y intègre également, entre autres, la conception de Julia Kristeva du langage comme contre-dépresseur ou les apports de Sylvia Lippi soulignant la fonction essentielle d’une écoute ouvrant à la possibilité de retrouver un rythme à la parole, à la faveur d’une implication de l’analyste se confrontant « au risque de disparaître » selon les termes de Jacques Lacan. Avec une grande sincérité, Rodolphe Viémont ose des propositions s’offrant à la disputatio dans un champ où son travail relève d’une ambition plus clairement thérapeutique. On sait que Jacques Lacan n’envisageait cet abord qu’avec la plus grande circonspection, privilégiant de faire entendre les dangers auxquels exposait la pratique analytique dans ce contexte. Rodolphe Viémont entreprend toutefois de s’aventurer vers des propositions liées à une conception continuiste, articulée à la clinique borroméenne. Il en souligne la dimension de recherche et les difficultés qu’elle peut rencontrer. La grande valeur de son essai réside dans des propositions qui savent se formuler sur un mode interrogatif. Il ouvre ainsi sur des pistes passionnantes liées à la fonction de la créativité artistique laquelle caractérise la description de ces tableaux depuis l’Antiquité.

Nicolas Dissez